L’écoféminisme, entre mythe et réalité

Avec une prise de conscience écologique qui progresse et la libération de la parole sur les violences faites aux femmes, l’écoféminisme s’impose de plus en plus au cœur de nos débats. Pourtant, il reste un courant de pensée assez méconnu et peu documenté. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui de comprendre les origines et les enjeux de ce mouvement aux vastes ramifications.

Qu’est-ce que c’est l’écoféminisme ?

C’est un mouvement d’action et de réflexion qui vise à traiter de façon conjointe l’écologie et le féminisme. Il vise alors à repenser totalement notre société, dans laquelle les minorités sont oppressées par le patriarcat et le capitalisme. Ce courant de pensée est né dans les années 70 sous la plume de Françoise d’Eaubonne, essayiste et militante, qui invente le terme « écoféminisme » dans son œuvre Le féminisme ou la mort. En interrogeant le lien entre la destruction de la nature et l’oppression des femmes, elle part du postulat que les hommes ont fait main basse sur les ressources naturelles de la même manière qu’ils le font sur le ventre des femmes.

Comment s’est développé le mouvement ?

Le mouvement commence à prendre son essor dans les années 1980 aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dans un contexte de guerre froide, le mouvement écoféministe s’étend et mobilise des groupes féministes comme Women for Life on Earth. Il en a découlé des mobilisations spectaculaires comme l’encerclement du Pentagone par 2 000 femmes en 1980.

Pourquoi faire l’association entre féminisme et écologie ?

Dans le processus de socialisation, on va inculquer aux jeunes filles à valoriser l’empathie et le care, c’est-à-dire prendre soin des autres. C’est pourquoi, au vu de ces constructions sociales genrées, on va attendre d’une femme un rapport à la nature plus fort que l’homme, et également un certain éveil aux questions écologiques. Ces attentes vont se répercuter sur la gestion du foyer, qui repose majoritairement sur les femmes. Ainsi, les habitudes domestiques et alimentaires comme le recyclage, la diminution de la dépense énergétique ou le végétarisme sont encore considérées comme des activités féminines. Cet engagement est aussi visible dans les urnes : aux dernières élections européennes, 17% des femmes ont voté pour le parti écologique EELV contre 9% des hommes.

Les femmes sont également plus concernées par la crise environnementale car elles en sont les premières victimes. En effet, selon l’ONU, les femmes sont quatre fois plus touchées que les hommes par le réchauffement climatique. Autre aspect important : on sait que les conditions de pauvreté exposent davantage aux impacts environnementaux. Or, sur les 1,3 milliards de personnes vivant dans une situation de pauvreté, 70% sont des femmes (ONU). Ainsi, en cas de catastrophe naturelle, les décès chez les femmes sont jusqu’à 14 fois plus élevés que chez les hommes (Médiaterre).

Quelles sont les revendications de ce mouvement ?

Ce courant de pensée ne propose pas d’idéologie politique précise. Il s’agit avant tout de repenser la manière de lutter contre la domination patriarcale et capitaliste afin de proposer une gestion égalitaire et durable d’un monde à renaître.

Néanmoins, il est important de souligner qu’il y a plusieurs lectures de l’écoféminisme. Certain.e.s se revendiquent d’une approche essentialiste, c’est-à-dire d’un lien profond entre la femme et la nature. D’autres proposent une lecture spirituelle de l’écoféminisme, en repensant la manière dont les grandes religions monothéistes traitent la femme et la nature. L’écoféminisme peut aussi être analysé sous un angle plus social, établissant que le lien entre femmes et environnement est le fruit d’une construction sociale devant être remis en question. Enfin, des personnes comme Vandana Shiva prônent un écoféminisme de résistance, intégrant la nécessité de justice sociale articulée autour des mouvements altermondialistes dans les pays du Sud.

Manon Houset

Comment se renseigner sur le sujet ?

Si le sujet vous intéresse et que vous désirez en apprendre davantage, je vous glisse ci-dessous quelques ouvrages, podcasts et vidéos.

Livres :

? Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme, par Caroline Goldblum, Ed. Le Passager Clandestin :

https://www.babelio.com/livres/Goldbl…

? Être écoféministe, théorie et pratiques, de Jeanne Burgart Goutal, Ed l’Échappée :

https://www.lechappee.org/collections…

? Reclaim, de Émilie Hache, Ed. Cambourakis :

https://www.decitre.fr/livres/reclaim…

? Écoféminisme de Maria Mies et Vandana Shiva, Ed. L’Harmattan :

https://www.decitre.fr/livres/ecofemi…