En moyenne, 700 000 élèves sont victimes de harcèlement chaque année. Malgré la médiatisation de ce fléau, les réponses apportées sont jugées manichéennes, laissant les familles de victimes seules dans leur combat. Alma Mater a enquêté sur la réponse qu’apporte aujourd’hui la France en termes de lutte contre le harcèlement scolaire.
Un problème pris à bras le corps ?
Le harcèlement à l’école est un phénomène massif qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis ces dernières années. Il prend des formes variées, telles que la violence verbale ou physique – avec des conséquences psychologiques trop souvent négligées. Si la parole des victimes semble se libérer pour en aider d’autres, combien ne pourront-elles jamais partager leur histoire ? Lindsay, Nicolas, Lucas…Vous avez sûrement vu ou entendu ces prénoms dans les médias. Ces adolescents avaient tous entre 13 et 15 ans. Le harcèlement scolaire qu’ils ont subi les a poussé au suicide. Un fléau saisi par l’opinion publique, qui appelle aujourd’hui à des réponses concrètes.
D’après l’étude partagée par l’Institut d’études opinion et marketing en France (IFOP) le 7 novembre dernier, entre 16 et 19 % des collégiens et lycéens ont subi du harcèlement au cours de leur scolarité. Afin d’apporter des solutions efficaces, le gouvernement a annoncé le 27 septembre un plan interministériel pour renforcer les moyens déployés dans cette lutte. Au programme : questionnaire d’auto-évaluation anonyme, protocole pHare, majorité numérique à 15 ans et brigade anti-harcèlement. L’objectif est de sensibiliser les adultes à la parole des enfants. Dans la continuité des annonces faites par Élisabeth Borne, une campagne de sensibilisation a été lancée le 9 novembre. Une tentative de prévention qui est loin d’être une réponse suffisante face aux failles de tout un système. Si tous les moyens sont déployés en terme de prévention, comment expliquer que la justice se heurte encore à ce sujet ?
Des familles désemparées
Coup de théâtre ce lundi 6 novembre. La cour de Nancy a relaxé les quatre harceleurs de Lucas, jeune garçon de 13 ans qui s’est suicidé le 7 janvier 2023 à la suite du harcèlement subi à cause de son orientation sexuelle. Alors même que depuis mars 2022 le harcèlement scolaire est considéré comme un délit pénal, la dichotomie entre pouvoir politique et pouvoir judiciaire est bien visible. M. Pierre Debuisson, conseiller de la mère de Lindsay, fait part de son indignation : « La décision dans l’affaire Lucas et la façon dont les choses sont faites dans l’affaire Lindsay envoient le signal que l’institution judiciaire n’est pas à la hauteur des enjeux. » Si de nombreux parents portent plainte face à l’intimidation que subissent leurs enfants, il reste difficile d’obtenir justice.
Du côté du système scolaire, les défaillances internes sont évidentes. Parmi les parents d’enfants victimes de harcèlement, 90 % prennent contact avec l’établissement. La moitié d’entre eux affirme ne pas être satisfaite de la réponse apportée. L’enquête sur le suicide de Nicolas à Poissy le mardi 5 septembre 2023 avait mis en lumière des lettres de menace à l’encontre des familles de victimes envoyées par le rectorat de Versailles. Des courriers qu’à condamnés la Première ministre, utilisant le terme de « défaillance » pour le type de réponses apportées aux familles.
« Personne ne nous a aidés, ni avant, ni pendant, ni après », déplore la mère de Lindsay, qui fait désormais du harcèlement scolaire son combat. Pour les familles, offrir des ressources pour lutter efficacement contre le harcèlement est un moyen de panser les maux. À travers la création de l’association Les ailes de Lindsay, la mère de l’adolescente veut se rendre présente auprès de « ceux qui se sentent seuls et désemparés », selon ses mots. Un angle mort subsiste car le plan ambitieux du gouvernement pour la lutte contre le harcèlement se heurte à un contexte académique hermétique où les enseignants sont désarmés. Malgré le programme pHare, 65 % d’entre eux justifient ces difficultés par un manque de formation. Pour lutter efficacement, il faut traiter le problème à la racine et ne pas se contenter de mener une campagne de communication bien ficelée.
Si vous êtes victime ou témoin de harcèlement scolaire, vous avez le droit d’être aidé. Le numéro 30 20 est là pour vous.
Margaux Delafosse