Personne n’aura été sans remarquer les biopics musicaux qui se sont succédé au cinéma ces dernières années. Bohemian Rhapsody, le biopic sur le groupe Queen, a été le premier en 2018, et le fait qu’il ait été nommé aux Oscars – et en a remporté – n’a sûrement pas été pour rien dans la traînée de poudre qui s’est ensuivie. En 2019, c’est Elton John qui est mis à l’honneur dans Rocketman, puis Elvis Presley en 2022. Et il ne s’agit que du haut de la liste : un biopic sur Amy Winehouse, Michael Jackson ou encore Bob Dylan sont prévus prochainement, et même un pour chaque Beatles (!). Il existe pourtant des documentaires sur à peu près tous les artistes possibles et imaginables. Pourquoi alors leur consacrer un biopic, quand le documentaire est forcément plus proche de la vérité ?
Justement, la réalité, parlons-en. On a reproché à Bohemian Rhapsody d’avoir gommé les côtés plus sombres de Freddie Mercury et presque occulté son homosexualité, et on juge généralement que la présence des descendants des artistes au générique est un gage d’arrondissement des angles peu objectif. Or le biopic musical relate certes l’histoire d’une personnalité réelle, mais est également là pour servir une narration qui doit être divertissante, pour faire battre le cœur de la jeune génération au rythme de phénomènes culturels qu’elle n’a pu connaître. Dans Bob Marley : One Love (2024), on assume complètement de ne pas être exhaustif : le choix a été fait de ne représenter qu’une décennie de la vie de Marley, celle qui a peut-être été jugée la plus représentative de « l’essence » de l’artiste.
Les biopics musicaux s’adresseraient en réalité plutôt aux non-initiés qu’aux fans de la première heure. Le but semble être de faire connaître les idoles des générations précédentes à la nouvelle, le biopic étant plus accessible qu’un album écouté sans contexte : la scène de la composition d’un morceau célèbre est récurrente dans chaque biopic, permettant de rêver à ces instants mythiques mais aussi d’en comprendre le sens et la portée. On assiste ainsi, privilégiés, au making of de Bohemian Rhapsody ou de Your Song.
Mais les intentions derrière ces projets sont-elles vraiment désintéressées ? Un artiste célèbre représente bien sûr une sorte de « marque » qui assure aux producteurs une certaine rentabilité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : juste derrière Oppenheimer, Bohemian Rhapsody a été le biopic le plus rentable de tous les temps avec pratiquement un milliard de dollars de recettes au box-office mondial. Les héritiers des artistes ou les artistes eux-mêmes, souvent à l’origine des projets, ont quant à eux tout intérêt à récupérer les regains de recettes issues des royalties – et le regain de célébrité qui les accompagne. Après la sortie de Bohemian Rhapsody, les écoutes de Queen sur Spotify ont augmenté de rien de moins que… 333
Louise Pachurka
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