Rendez-vous au 84 quai de Jemmapes pour cet entretien avec Clémence Magnier, cristallière. Au sein de son atelier estampillé Entreprise du patrimoine vivant au bord du canal Saint-Martin, elle nous fait découvrir son métier et son quotidien.
Sur vos réseaux et votre site, vous indiquez être la dernière cristallerie de Paris. Mais est-ce qu’on peut en trouver d’autres, en France ou en Europe ?
Je tiens la seule cristallerie de Paris, mais surtout une des seules en France à réparer encore le verre. La restauration de la verrerie de particuliers est la principale activité, d’ailleurs.
C’est donc une forme d’artisanat très rare. Alors, comment cela s’apprend ? Est-ce que vous êtes passée par une école ? Est-ce un savoir-faire familial ou qui s’apprend directement dans un atelier ?
Eh non, rien de familial ! J’ai appris le travail en suivant une formation de CAP et un brevet des métiers d’arts en tant que tailleur-graveur.
On a des enseignements d’histoire de l’art, beaucoup d’heures de dessin et des cours sur la technologie du verre. Dans mon lycée, je suivais également des cours d’allemand car l’établissement était jumelé avec une ville en Allemagne. C’est toujours pratique parce que je travaille parfois à l’international : Europe, Brésil, Canada… même si mes principaux clients sont franciliens.
Depuis le Covid, on entend régulièrement que l’artisanat et les métiers de l’art souffrent beaucoup. De votre côté, comment vous en sortez-vous ?
C’est vrai que c’est compliqué. Mais le Covid a aussi apporté beaucoup de clients. Avec le confinement, beaucoup de gens ont trié leurs affaires et la cristallerie a alors attiré une nouvelle clientèle.
J’ai de la chance car la cristallerie est souvent le sujet de reportages. Par exemple, j’ai été suivie par France 3 Paris Île-de-France, TF1 et BFM Paris Île-de-France. Je suis également passée dans l’émission Météo à la carte et plus récemment sur la plateforme Instagram de NéoMédia. C’est très important car je peux montrer mon activité et mettre en avant la cagnotte qui soutient énormément la cristallerie.
Ce post sur Instagram m’a vraiment aidée parce que le montant de la cagnotte et la clientèle ont augmenté. J’ai aussi beaucoup de messages de soutien ou des questions, si bien que j’ai presque du mal à répondre à tout le monde !
Concrètement, en quoi consiste le travail en cristallerie ?
Je travaille surtout avec des particuliers. Parfois, j’ai aussi des rendez-vous avec des antiquaires !
L’essentiel de mon travail est donc de réparer les pièces de mes clients. Le travail se déroule en cinq étapes avec des machines spécifiques. Quand un verre est ébréché, je viens d’abord le diminuer puis arrondir chaque chanfrein (bord) du verre. Ensuite, je lisse le tout pour que le verre ne coupe plus. Finalement, je polis puis lustre l’objet.
Parfois, il faut recoller l’objet, alors j’utilise une colle à UV. C’est la même que celle des aquariums !
Vous m’avez précisé que la cristallerie est installée ici depuis son ouverture en 1890. Toutes les machines et l’équipement sont ainsi d’époque. C’est donc un patrimoine à la fois historique et industriel à conserver impérativement. Est-ce que vous percevez des aides ?
En 2021, j’ai pu recevoir une aide pour régulariser quelques dettes mais c’est vrai que c’est très compliqué à obtenir… Maintenant, je demande un acompte de la part des clients : avec plus de paiements réalisés en avance et donc un fond de trésorerie plus important, c’est plus facile. Le problème que j’ai eu avec le Covid, c’est que nombreux sont les clients qui m’ont déposé des pièces sur lesquelles j’ai travaillé, sans jamais revenir les chercher. C’est clair que cela n’a rien arrangé ! Je dirais même que je n’aurais pas eu de problèmes d’argent. Et si j’avais des aides financières, je pourrais payer deux ou trois employés. Ça ferait une différence folle pour la cristallerie.
D’ailleurs, une cagnotte en ligne est disponible sur le site et les réseaux de la cristallerie.
Pour finir sur une note positive, quelle est la partie de votre métier qui vous plaît le plus ?
Je travaille pour l’amour de ma passion, pas du matériel. Mon travail me fait vibrer. Et quand j’entends le bruit du cristal façonné, quand je sens la pièce entre mes mains… c’est vraiment ce que j’ai tout de suite adoré dans ce travail. Le contact et le travail des beaux objets, c’est ma passion. Ça donne l’impression que le travail est super facile !
Un mot pour la fin ?
Venez aux Cristalleries Schweitzer, on répare vos verres !
Propos recueillis par Ariane Rogel