Si le XIVe siècle est connu pour être celui du grand Marco Polo, un autre voyageur a marqué les routes de son époque. Parti de Tanger en 1325, Ibn Battuta a exploré le Maghreb, l’Asie centrale, l’Inde, la Chine, l’Arabie, l’Espagne et l’Afrique de l’Ouest, le tout en l’espace de vingt-cinq ans. Le récit des explorations de ce voyageur, conteur, chroniqueur, historien, géographe, ambassadeur, conseiller, dépasse le compte-rendu de voyage, et propose une étude à la fois visuelle et précise du monde visité, mais il questionne aussi ce qui pousse l’humain à constamment repousser la limite de ses découvertes.
Après avoir étudié le Coran dans la ville de Tanger, au Maroc, Ibn Battuta part pour La Mecque en 1325. Le voyage est donc d’abord associé à une entreprise spirituelle pour cet explorateur médiéval. Cependant, ses pas le mènent toujours plus loin. Dans son œuvre, il transporte le lecteur aux confins du monde et l’invite à le suivre dans les mille lieux qu’il visite sur son trajet. Très pieux, il donne des descriptions précises des mosquées, des communautés musulmanes d’Inde, de Chine, d’Espagne, d’Afrique subsaharienne. Ibn Battuta salue également l’union des fois devant certains malheurs ayant frappé l’Ancien Monde, notamment la peste, qui a tué des centaines de milliers d’individus et transformé certaines villes en véritables non-lieux au XIVe siècle. Dans ce contexte, musulmans, chrétiens et juifs de Damas prient ensemble pour supplier le ciel de leur venir en aide, dépassant leurs antagonismes.
Selon les contrées qu’il traverse, Ibn Battuta sert également de pont entre les princes et leurs peuples, et fait parfois office d’arbitre dans des conflits locaux. Ainsi, les habitants des villages qu’il traverse l’accueillent chez eux, lui offrent un couvert et une chambre. Par les descriptions des habitations des peuples vivant entre le Maroc, la Syrie et les Maldives, l’auteur-voyageur offre aux historiens et passionnés une véritable fenêtre sur les modes de vie dans l’Eurasie du XIVe siècle. Nommé ambassadeur du roi de l’Inde, il part le représenter en Chine mais perd les présents et hommages qu’il doit apporter lors d’un naufrage. Quoi qu’il en soit, Ibn Battuta plonge ses lecteurs dans les cours des souverains des Moyen et Extrême Orients et dans les caravansérails des plaines centrasiatiques, sous la plume du poète andalou Ibn Juzayy chargé de transcrire le récit de l’explorateur.
En effet, malgré ses descriptions minutieuses et ses aventures trépidantes, le récit d’Ibn Battuta pose certaines questions d’authenticité. Il a tout d’abord été dicté à Ibn Juzzay, et les éléments racontés par le voyageur reposent entièrement sur sa mémoire, étant donné qu’il ne tenait pas de carnet. De plus, certains passages descriptifs sont issus de textes antérieurs à son voyage, suggérant une certaine imprécision dans son récit oral. À travers le récit d’Ibn Battuta, toutefois, le lecteur découvre un personnage dont les voyages sont avérés, un personnage ayant traversé les mers, les déserts, les montagnes et les rivières durant vingt-cinq ans, alors qu’il ne devait partir que quelques mois. Ibn Battuta nous raconte sa rencontre avec l’inconnu, avec des cultures étranges et mystérieuses, et la découverte d’une passion : le voyage.
Tanguy Gil