Faut-il tuer pour rendre justice aux Etats-Unis ?

Luigi Mangione, meurtrier soupçonné du PDG de l’assurance santé privée United Healthcare, a été arrêté lundi 9 décembre. Bien que l’enquête soit encore en cours pour déterminer sa culpabilité, elle ne fait aucun doute pour les internautes américains qui, loin de s’indigner, voient dans ce jeune suspect la figure d’un héros moderne révolté contre les injustices du système de santé américain.

Le 4 décembre, le tireur fait feu en plein jour au cœur de Manhattan, devant l’un des plus grands hôtels de New-York. Il touche trois fois le directeur général du premier assureur privé des États-Unis, Brian Thompson. Il faut cinq jours de traque aux forces de l’ordre pour interpeller le suspect. Repéré par un employé de McDonald’s en Pennsylvanie, Luigi Mangione est arrêté pour meurtre et possession d’arme à feu illégale. Accusé d’assassinat, il comparait mardi 10 décembre devant un tribunal de Pennsylvanie et conteste son transfert à New-York. L’un de ses avocats a annoncé à ABC News son intention de plaider non coupable.

Deny, Defend, Depose 

Diplômé de l’une des prestigieuses universités de l’Ivy League, Luigi Mangione n’a que 26 ans et a grandi au sein d’une famille aisée. Un profil différent de ceux auxquels la société américaine est habituée. Pourtant, le 9 décembre, le suspect portait sur lui un manifeste critiquant le système de santé, « le plus coûteux du monde, alors que l’espérance de vie d’un Américain est classée au 42ème rang mondial » selon ses mots. L’auteur y dénonce des compagnies qui « abusent de notre pays pour en tirer profit ». Sa haine envers les grandes compagnies d’assurance santé fait écho aux gravures sur les douilles retrouvées sur place. L’assassin y avait inscrit « Deny », « Defend » et « Depose » (soit « refuser », « défendre », « déposer ») : trois mots employés par les compagnies d’assurance pour refuser des demandes préalables de soin aux États-Unis.

Une revendication révélatrice des failles du système santé américain

Son geste réveille un malaise jusqu’ici sous-estimé dans la société américaine. Depuis l’arrestation du suspect, de nombreux internautes lui ont apporté des messages de soutien et partagent son indignation. Plus de 22 000 dollars ont été récoltés mardi soir pour une cagnotte destinée à couvrir les frais d’avocat de l’accusé. United Healthcare s’est par ailleurs vu contraint de fermer la page de condoléances pour le père de deux enfants face à l’assaut de plus de 77 000 émojis « rire ». 

Qualifié parfois de « héros », le criminel soupçonné est perçu par beaucoup comme celui qui s’est courageusement élevé contre une injustice fondamentale. Sans mentionner son physique, largement commenté, qui lui vaut d’être comparé à une star de cinéma. Un avantage dont ont pu bénéficier des malfaiteurs comme Jeremy Meeks, maintenant mannequin. Face à cette héroïsation et à cette idéalisation de la violence, le gouverneur de Pennsylvanie a tenu à rappeler que le droit existe pour empêcher les hommes de se faire justice eux-mêmes : « On ne tue pas des gens de sang-froid pour des raisons politiques ou pour exprimer un point de vue ». Luigi Mangione « n’est pas un héros ».

Alors même que l’affaire prend une dimension éthique pour le pays de la liberté, des citoyens demandent à ce que la voix populaire soit prise en considération par les politiciens. Une réforme du système national de santé pourrait-elle voir le jour ? .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *