« Réarmement démographique » sont les termes marquants du dernier discours d’Emmanuel Macron. Des propos qui semblent plus que délibérés car prononcés plusieurs fois, telle une leçon que l’on voudrait faire mémoriser. Avec ces termes lourds de sens et tout droit sortis d’un autre temps, Macron renvoie l’image d’un peuple de petits soldats chargés de se reproduire, mais au service de quoi ? La patrie ?
Et ces petits soldats qui produiraient de nouveaux petits soldats, de nouvelles armes, à quelle fin seraient-ils utilisés ? Contre qui ?
Dans ce discours, il se détache du peuple français qui crie sa colère et sa souffrance depuis des années face à un gouvernement qui répond en faisant une boucherie des institutions chères à la République, telles que les hôpitaux publics, les écoles ou encore le système des retraites.
Lorsqu’il parle de reproduction et de natalité, le président semble s’adresser aux jeunes adultes. Mais est-il véritablement attendu d’une population accablée par la précarité et l’incertitude de son futur de donner la vie ? Car il s’agit de vies dont on parle, non d’un déficit qu’il faudrait combler. Qui prendrait soin de ces enfants, à qui confier leur éducation, dans quels hôpitaux les soignerait-on alors même que des milliers d’enfants bien réels manquent déjà de quoi grandir et vivre décemment ?
On peut se demander quel est le public visé par ce message. Avec ce discours détaché de la réalité, ce n’est certainement pas l’opinion publique qu’il met de son côté car ces propos déshumanisants font scandale. Le discours de Macron semble s’inscrire dans une optique de séduction de l’extrême-droite qui s’opère depuis plusieurs années avec des signaux parfaitement ciblés vers cette partie-là de l’électorat français.
Qu’en est-il des femmes ? Des corps et des vies dont on veut faire un outil ?
Qu’en est-il des populations non-blanches, issues de l’immigration ou non, que ce plan nataliste semble exclure, en même temps que les politiques migratoires semblent se durcir en France ?
Avec un taux de natalité en 2023 légèrement en baisse comparé à celui de 2022, la France n’a pas à s’inquiéter d’une « urgence démographique », selon l’historien et démographe Hervé Le Bras. Tandis que de l’autre côté du globe, en Corée du Sud, où le taux de natalité est le plus bas au monde, le mouvement féministe 4B se popularise en opposition au gouvernement nataliste et à une société patriarcale où des attentes de genre strictes rendent la vie des femmes invivable.
Yafatou Imane Touré