Quarante-quatre jours : c’est la durée de la grève lancée le 5 décembre dernier par les syndicats de la RATP et de la SNCF, afin de protester contre la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Alors que le syndicat meneur de l’action, l’UNSA-RATP, appelle à une suspension du mouvement à partir du lundi 20 Janvier, Alma Mater vous propose de revenir sur ce long mois de galère, ses raisons et ses conséquences. 

Jusqu’à la retraite : qui est mobilisé, et pourquoi ? 

Le 5 Décembre marquait la première journée d’action et de mobilisation d’une grève déclarée “reconductible” : 800 000 manifestants dans toute la France, des transports paralysés à Paris, un mouvement rejoint par les enseignants, les avocats, et bien d’autres. Depuis, la paralysie est quotidienne dans la capitale et l’opposition à la réforme des retraites  ne faiblit pas, à Paris ou ailleurs. Dans l’édition papier d’Octobre 2019, deux rédactrices d’Alma Mater vous présentaient, dans leurs tribunes, cette réforme des retraites : âge pivot, système à points, fin des régimes spéciaux, autant de détails qui alimentent la mobilisation des syndicats, bien déterminés à faire céder le gouvernement. 

Si la grève persiste surtout à Paris et dans la région Ile-de-France, dépendante des réseaux RATP et SNCF, elle a également lieu dans le reste de la France depuis le début du mouvement. À la mi-décembre, les routiers se mobilisaient pour demander le maintien de leur congé de fin d’activité, qui leur permet de partir à la retraite à 57 ans en touchant 75% de leur salaire jusqu’à 62 ans, âge légal de départ à la retraite. Les enseignants, eux, ont rejoint le mouvement dès le début : salaires insuffisants, réforme du bac, conditions de travail difficiles : des revendications depuis longtemps martelées, auxquelles s’ajoutent désormais la crainte de voir leurs retraites faiblir. 

En ce qui concerne les étudiants, la grève des transports a fait de nombreux ravages, à Paris comme ailleurs. Des partiels décalés d’une semaine, plus tôt ou après les vacances de Noël, d’autres donnés à faire en ligne. Certains critiquent ce genre de pratiques qui rendraient les examens caduques et leur enlèveraient de la valeur. De nombreuses facultés ont été fermées ou bloquées du fait de cette grève interprofessionnelle. L’université du Mirail, ou Jean Jaurès, à Toulouse a été bloquée les 5 et 6 décembre, qui se sont suivis par des barrages filtrants et par un report des partiels à la semaine du 20 janvier. Deux antennes de l’université Lyon 2 ont elles aussi été fermées le 10 décembre. Mais c’est à Paris que le mouvement semble le plus véhément. 

Les enseignants du supérieur protestent non seulement contre la réforme des retraites mais aussi contre les réformes de l’enseignement supérieur, comme celle des masters de recherche et la loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche appliquée par certaines fac. Certains mémoires se font depuis cette année en 2 ans alors que toutes les universités n’ont pas appliqué ce système. Les AG se multiplient, AG dans lesquelles se mobilisent les enseignants pour sensibiliser les étudiants aux problèmes des réformes. A Paris 7, Diderot, c’était lundi 20 janvier, à Paris 3, Sorbonne nouvelle, le mardi 28 janvier, à Lyon, une AG lycéenne est prévue vendredi 24 janvier. Ces événements sont banalisés pour que les étudiants puissent y assister sans craindre de rater de cours. Les universités s’organisent pour exprimer leur mécontentement. L’UFR d’Histoire de Panthéon Sorbonne n’a rouvert que la semaine du lundi 20 janvier quand l’UFR d’études germanophone de Paris 3 votait la grève. De nombreuses AG des différents UFR se sont soldées par un refus des enseignants d’entrer les notes du premier semestre dans les bases de données, décision parfois même votée à l’humanité. 

C’est donc une grève de grande ampleur qui s’est installée depuis le 5 décembre : le 2 janvier, la mobilisation battait le record de 28 jours jusque là détenu par la grève de la SNCF en 1986-1987. Un record qui dénote une victoire pour les syndicats mobilisés et les grévistes, mais qui pèse sur le moral des usagers, particulièrement dans la capitale. 

 Paris, au ralenti

Sans surprise, c’est dans la capitale que la grève pèse le plus, et pour cause : la région francilienne dispose du réseau de transport le plus étendu en France et du plus grand nombre d’usagers. En 2018, ce sont 1,84 milliard de personnes qui ont emprunté le réseau de transport parisien, un chiffre qui donne le tourni et qui permet de comprendre l’impact de la grève qui dure depuis plus d’un mois.  

Face à la grève, les usagers s’organisent : ceux qui le peuvent optent pour la marche à pied, certes peu agréable en plein hiver. D’autres enfourchent vélos et trottinettes, ce qui a engendré une recrudescence des accidents : +40% depuis début décembre. Certains ont recours aux VTC, qui profitent quelques fois de cette affluence impromptue pour majorer leurs courses, au grand dam des utilisateurs.

Paris est le centre névralgique du mouvement, même si des manifestations et des actions sont également menées sur le reste du territoire et dans d’autres grandes villes, comme Bordeaux. Sur les réseaux sociaux, les memes fleurissent et font des parisiens leurs choux gras : la « province » elle, n’est pas paralysée, et se moque quelque peu de la dépendance des franciliens pour leur réseau de transport. 

 

Conséquences et futur 

Si la grève a des conséquences sur le moral et la patience des usagers, elle en a aussi sur les commerçants. Nombre d’entre eux ont vu leur chiffre d’affaire baisser, voire s’effondrer, notamment au moment des fêtes. Qui dit manque de transports dit manque de fréquentation, et davantage d’achats sur les plateformes en ligne – un coup dur pour le secteur. 

Les touristes aussi subissent cette mobilisation parisienne. La difficulté de se déplacer dans la capitale en déçoit plus d’un, de même que le manque de RER A, qui mène jusqu’à Disneyland. Autre conséquence imprévue, l’impossibilité d’accéder à certains lieux culturels. À Noël, les danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris effectuait une courte représentation du Lac des Cygnes sur le parvis du monument. Techniciens, artistes et une grande partie du personnel du célèbre Opéra se sont mis en grève pour protester contre la réforme qui mettrait fin à un régime spécial établi sous Louis XIV, en 1698. Samedi 18 Janvier, c’était un concert qui se déroulait dans le froid hivernal et devant une foule de touristes et de curieux : la Marseillaise a alors pris une résonance particulière. 

Le 17 Janvier, le musée le plus visité au monde, le Louvre, a lui aussi fermé ses portes pour laisser place à la contestation. Des milliers de visiteurs sont restés dehors, à attendre une réouverture qui n’a jamais eue lieu, face à une partie du personnel du musée, eux aussi en grève. Un coup dur pour le site et pour la capitale, même si elle est reste très plébiscitée par les touristes en dépit des perturbations. 

Fort heureusement, les usagers franciliens pourront compter à partir du lundi 20 janvier sur quelques jours de répit : le syndicat principal du réseau de transport annonce un trafic quasiment normal jusqu’à vendredi, où le mouvement reprendra de plus belle. 

Chloé Touchard et Clémence Verfaillie-Leroux

Sources : 

https://www.wort.lu/fr/granderegion/record-de-duree-pour-la-greve-en-france-5e0d9736da2cc1784e353297

https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/je-conseille-de-demander-le-renvoi-au-tribunal-de-bobigny-la-greve-des-avocats-perturbe-les-audiences_3788703.html

https://www.francetvinfo.fr/societe/education/reforme-du-bac/au-44e-jour-de-greve-contre-la-reforme-des-retraites-les-actions-ciblees-se-multiplient_3790297.html

http://www.leparisien.fr/societe/greve-du-5-decembre-pourquoi-les-profs-sont-tres-mobilises-03-12-2019-8208579.php

 

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