Prix Nobel pour les trous noirs et Star’s Up 2 : Une rentrée de rêve pour l’astrophysique !

Alors que le mois d’octobre 2020 vient d’être amorcé sous des nouvelles peu réjouissantes avec la nette augmentation des cas de COVID19 en France, les Franciliens ont pu néanmoins profiter d’une échappatoire emplie d’étoiles grâce en partie au festival de l’espace Star’s Up

Crédits illustration : Florentine Daudenthun/Journal Alma Mater.

Le samedi 3 octobre s’est déroulé à Meudon, pour la deuxième année consécutive, le rendez-vous immanquable entre curieux, passionnés et spécialistes de l’astronomie. Afin de partager au plus grand nombre cette bulle d’air frais, la manifestation scientifique a été filmée en temps réel sur la page Facebook du festival Star’s Up. À propos — si ce n’est pas encore chose faite —, vous pouvez visionner en ligne la rediffusion des conférences où se sont exprimés différents corps de métier en lien avec le spatial : chercheur, ingénieur, journaliste scientifique, photographe et même compositeur ! Chaque intervenant avait pour mission de parcourir une facette de la thématique « la lumière » en quinze minutes montre en main, et le défi fut largement relevé.

Six des quinze intervenants qui ont répondu présents au festival Star’s Up 2 pour partager leurs expériences et leurs témoignages sur l’Univers. De gauche à droite : Romain Charles (ESA), Anne Lemière (APC), Eric Serra, Jules Grandsire (ESA), Fabienne Casoli (Observatoire de Paris-PSL), Hubert Reeves. Crédit : Star’s Up 2020. 

Parmi les nombreux sujets abordés lors de cette journée, David Elbaz, astrophysicien au CEA de Saclay, a souhaité revenir sur quelques-uns des résultats époustouflants apportés par le télescope spatial Hubble (HST) en l’honneur de ses trente années de bons et loyaux services.

D’où vient l’idée de placer un télescope en orbite autour de la Terre ?

« Quand on regarde les étoiles la nuit, on les voit scintiller. C’est une conséquence directe de l’interaction avec l’atmosphère terrestre, qui, dans les faits, dévie les rayons lumineux issus des astres et rend donc les images de l’Univers totalement floues », a démarré le directeur de recherche au département d’Astrophysique. C’est en ayant ce constat en tête qu’en 1946, l’astronome américain Lyman Spitzer suggère de disposer un satellite en dehors de notre couche d’air bienfaitrice pour observer sans altérations les sources astrophysiques. Ainsi, le 24 avril 1990, le premier télescope spatial fut inauguré à 590 km au-dessus de la surface de la Terre : le célèbre télescope Hubble. En outre, ce projet n’aurait pu voir le jour sans la persévérance de James Edwin Webb, le deuxième administrateur général de la NASA, auprès du gouvernement des États-Unis. En effet, il est parvenu à rediriger quelques pourcentages du financement destiné à la conquête de la Lune pour nourrir la recherche fondamentale menée sur l’espace. C’est pour cette raison que le successeur du HST a été baptisé le télescope spatial James Webb (JWST). 

Photographie du télescope Hubble prise le 9 mars 2002 depuis le navette spatiale Columbia (à gauche) et le télescope James Webb pendant sa phase de tests (à droite). Crédits photos : NASA/HST et NASA/JWST/Desiree Stover.

HST a-t-il vraiment changé notre compréhension de l’Univers ?

« La plupart des images du ciel connues et diffusées sur internet aujourd’hui proviennent du télescope Hubble », a poursuivi le chercheur qui s’intéresse tout particulièrement à la formation des galaxies. Au-delà de ses clichés saisissants, les observations du HST a sensiblement aiguillé les astrophysiciens vers de nouvelles interrogations — toujours plus fines et complexes — vis-à-vis des objets peuplant l’Univers. Le satellite au miroir de 2.4 m de diamètre a notamment révolutionné la vision des galaxies en révélant que les trous noirs supermassifs (TNSM) sont finalement omniprésents et qu’ils possèdent un lien indissociable avec celles-ci. « À l’image de la relation entre le fruit et son noyau, quelle que soit la galaxie considérée vous y trouvez forcément un trou noir en son centre, dont la masse intrinsèque vaudra des millions voire des milliards de fois celle du Soleil », a expliqué avec émerveillement David Elbaz. Ce changement de paradigme pour les galaxies fut possible grâce au spectrographe embarqué à bord (cf. image ci-dessous). Son rôle était d’analyser la lumière libérée par la matière diffuse rassemblée autour d’un point invisible, au niveau du centre galactique. 

David Elbaz présente son exposé intitulé « En quête des premières lumières de l’Univers avec le télescope spatial JWST » lors de la deuxième édition du Festival Star’s Up. Crédits photo : Star’s Up.

L’instrument pouvait alors traduire le mouvement du plasma (i.e. le quatrième état de la matière consistant en un mélange de particules neutres, d’ions et d’électrons) grâce aux décalages spectraux que subissait la lumière. Le spectre se déplaçait vers le rouge si la matière s’éloignait de nous et vers le bleu si, au contraire, elle s’approchait. La mesure de la vitesse à laquelle le gaz ionisé virevoltait permettait ensuite aux scientifiques de déduire la valeur de la masse en jeu pour maintenir cette dynamique. Lorsqu’il est question de millions de masses solaires, il ne peut s’agir que d’un trou noir. 

« Ce qui est d’autant plus troublant dans cette affinité c’est que les trous noirs galactiques détiennent une masse qui vaut systématiquement près d’un millième de la masse totale contenue dans la galaxie », confia-t-il. En d’autres termes, si une galaxie canalise un milliard de masses solaires, son TNSM fera un million de masses solaires. Toutefois, attention aux amalgames ! Bien qu’il semble monstrueux de par sa masse, le TNSM n’influence pourtant ni la gravité ni la rotation de la galaxie. Son effet gravitationnel est limité au centre de la galaxie et est donc négligeable à l’échelle d’une galaxie. De quoi ajouter une couche supplémentaire au millefeuille de mystère entourant les galaxies et leur trou noir.

Quelle attente pour son successeur JWST ?

HST a été bénéfique à l’étude astrophysique par le truchement de son regard résolument moderne sur l’Univers. À titre d’exemple, les astronomes se sont rendus compte que dans l’Univers lointain (i.e. peu de temps après le Big Bang), les premières galaxies — comme GN-z11 — étaient bien plus petites et plus compactes que celles situées dans notre Univers local (i.e. l’Univers à l’heure actuelle, soit 13.7 milliards d’années après le Big Bang). Ces corps célestes étaient donc complètement différents à ce moment-là, ce qui constitue une énigme supplémentaire à la clef : « Comment l’Univers, qui était si peu efficace à fabriquer des étoiles et des galaxies au cours de son histoire, a-t-il pu engendrer des galaxies ultra compactes accompagnées d’un trou noir en leur centre ? », a explicité le membre de l’Académie des Sciences Européenne.

À gauche, la galaxie GN-z11 montrée dans l'encart a été superposée à une image du relevé GOODS-Nord. On la voit telle qu’elle était il y a 13,4 milliards d'années (image de droite), soit à peine 400 millions d'années après le Big Bang pendant la période de réionisation. L’Univers était à seulement 3% de son âge actuel. Crédits photo : NASA/ESA/P. Oesch (gauche) et Ciel & Espace (à droite).

La mission JWST, dont le lancement est prévu pour l’année prochaine, sondera l’espace avec son miroir de 6.5 m à la quête des premières lumières, espérant réussir à percer l’origine des galaxies. « Lorsqu’il ouvrira ses yeux sur l’Univers, assisterons-nous à une véritable révolution ou tout simplement à une confirmation de ce que l’on sait ? Attendez, dans un an, on aura la réponse ! », a conclu avec triomphe l’auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique.

En 2020, les femmes sont enfin distinguées sur la scène astrophysique  

Heureusement, l’année 2020 n’aura pas été que sombre. Plusieurs changements notables — et pour le mieux — ont eu cours, à commencer par l’élection de Fabienne Casoli. Elle fut nommée le 30 janvier 2020 à la tête de la direction générale de l’illustre institution qu’est l’Observatoire de Paris – PSL. Il aura nécessité 353 années de patience, et le passage de trente présidents, pour que l’établissement soit finalement représenté légitimement par une astronome en radioastronomie au parcours admirable et inspirant. De plus, pour la première fois depuis le lancement de la formation pour intégrer les métiers de la recherche astrophysique en 2005, la promotion 2019/2020 du Master 1 de l’Observatoire de Paris – PSL a compté une parité parfaite ! 

Photo de la promotion 2019/2020 du Master 1 de l’Observatoire de Paris - PSL. Crédits photo: Observatoire de Paris/Caroline Barban (à gauche) et Twitter/EGO-Virgo (à droite)

Enfin, le Prix Nobel de physique fut décerné le 6 octobre 2020 à trois chercheurs, dont l’américaine Andrea Ghez, pour récompenser leurs travaux sur les trous noirs. C’est une fois de plus un inédit puisqu’aucune découverte, ou avancée majeure en astronomie, n’avait été attribuée par cette cérémonie internationale à une femme. Sur les 114 Prix Nobels de physique remis depuis 1901, seules quatre scientifiques ont été reconnues méritantes face aux 212 physiciens lauréats. Nous pouvons espérer que ces nouvelles signent l’avènement d’une nouvelle ère dans la recherche en astrophysique : un nouveau chapitre de l’Histoire humaine dont le simple souhait reste d’appréhender l’Univers. Désormais, il est peut-être envisageable de concevoir que cette distinction honorable soit davantage fondée sur le mérite et non plus reposée sur le genre, témoignage d’une triste vision restreinte qui tend à être révolue. Ce sont des messages forts qui démontrent un désir — si ce n’est pas encore un engagement — d’être en phase avec l’évolution d’une société et de faire la fierté de ses contemporains.

Le numéro de Novembre 2020 du journal Alma Mater comportera un article dédié aux travaux réalisés par les trois lauréats du Prix Nobel de physique !

Margaux Abello (@MargauxAbello)

couverture : Florentine Daudenthun

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