Depuis le début du XXème siècle, le cinéma n’a cessé de se développer grâce aux techniques de réalisation de plus en plus élaborées. Les premiers films étaient muets, l’absence de son était donc considérée comme une norme cinématographique, et il fallait se référer aux images pour pouvoir suivre l’intrigue. Depuis, les progrès techniques ont permis au septième art de s’enrichir grâce à la possibilité de mettre du son en appui aux images. Une fois le mutisme des personnages pouvant être évité, l’utilisation du son est devenue de plus en plus primordiale dans les films modernes. Or, notre société contemporaine a vu s’accroître de manière exponentielle l’intérêt des spectateurs pour les films d’horreur. Ceux-ci sont intéressants à analyser dans le sens où le silence n’est non plus imposé par la capacité technique cinématographique de l’époque, mais par la volonté d’un scénariste. Le silence est devenu, par l’ampleur qu’ont pris les films d’horreur ces dernières années, non pas une contrainte, mais un véritable appui nécessaire pour créer de grandes tensions. Alors, de nos jours, qu’en est-il du silence dans les films d’horreur ?
L’instrumentalisation du silence dans les films d’horreur dits à « jumpscare »
Les scénaristes ont très vite compris que le silence était l’outil cinématographique clé pour créer ce sentiment d’angoisse propre aux films d’horreur. En effet, le silence a un effet paradoxal sur le spectateur, car au lieu d’être synonyme d’apaisement momentané et d’absence de danger, le silence typique des films d’horreur, un silence total, sans aucun bruit parasite pour venir le perturber, un silence impossible à concevoir dans la vie quotidienne. Mais dans une fiction, le réalisateur peut créer de la tension non pas grâce à des bruits surprenants et assommants, mais grâce à son contraire, le silence. Dans ces films, le silence est d’or. En plus de notre mutisme face au film, nous endurons le silence imperturbable de la scène qui s’impose à nous, menaçant par son immuabilité. Outil cinématographique plus qu’efficace, il est généralement annonciateur d’un jumpscare. Et ça, le spectateur le sait également. Un jumpscare, littéralement traduit par un « sursaut d’horreur », est un changement brutal d’image et de son lors d’une scène dans le but d’effrayer brutalement le spectateur. Alors le silence possède un double rôle : créer un inquiétant sentiment de vide, et nous faire comprendre qu’un choc brutal visuel va arriver sous peu. Et c’est justement lorsqu’il est rompu que l’horreur apparaît. Il est alors remplacé par l’action. Ainsi, dans les films d’horreur traditionnels, l’utilisation du silence permet de générer une tension extrême. En plus de l’absence de toute voix humaine, de tout sentiment d’altérité, qui peut être synonyme d’angoisse lorsque l’on se retrouve seul, nous sommes seuls face au film, mais également seuls face au silence imposé par celui-ci. Nous n’avons que l’image, en dépit du son, pour nous entraîner dans la suite de l’intrigue.
Le silence au coeur même de l’intrigue
Le silence est un outil cinématographique apte à faire monter la tension, mais également le composant de l’intrigue qui fait d’un film une heure et demie d’angoisse pour le spectateur. Le thriller fictionnel Sans un bruit en est un exemple parfait. En effet, le silence ne sert pas seulement à mettre les spectateurs sous tension devant l’image qui défile sous leurs yeux, mais aussi à imposer aux personnages un obstacle au sein même du film, et ici, pour leur survie. Le film se passe sur une Terre décimée par des monstres extra-terrestres anthropophages sensibles au moindre bruit. Vous imaginez bien qu’ici, le silence est d’or. Il est la conséquence de l’obligation de ne pas émettre de bruit. Or, notre société est fondée sur nos relations avec autrui, qui passent notamment par les échanges discursifs. Ainsi, l’absence de toute parole est inquiétante, car elle suppose une faille dans la vie que nous menons quotidiennement. Non seulement les personnages vivent dans un monde où leur silence leur est exigé, mais celui-ci est alors également imposé aux spectateurs. Il ne s’agit plus d’un film où le silence fait pressentir un élément effrayant qui va arriver à un moment précis, mais d’un film où le mutisme est la norme durant toute la durée du film. Par conséquent, on assiste à un inversement des règles cinématographiques traditionnelles. Le bruit, rassurant dans les films à suspens où tout silence peut paraître suspect, devient une menace dans Sans un bruit, où la famille doit vivre dans un silence de pierre où tout échange humain n’est possible que par la pratique du langage des signes. D’ailleurs, peut-être vaudrait-il mieux commencer à l’apprendre, non ? On ne sait jamais …
Caroline Rousseau
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