Alma Mater est allé à la rencontre de M. Megarbane, professeur à l’Université Paris Diderot et spécialiste en médecine intensive et réanimation. Chef du service de la réanimation médicale et toxicologique de l’Hôpital Lariboisière à Paris, il exerce principalement quatre missions : la gestion d’un service médical, le suivi des patients victimes d’intoxication liée à la drogue, les enseignements de médecine auprès des étudiants, et des travaux de recherche ; enfin, il s’occupe de tout ce qui a trait à l’administration de son service.
Qu’est-ce qu’un « produit toxique » ?
« Toxique » désigne toute substance étrangère au corps humain qui va impacter plus ou moins gravement la santé. L’individu peut y être exposé par différentes voies : l’ingestion, l’injection, l’inhalation… Certaines substances sont présentes dans l’environnement, d’autres dans des produits stupéfiants, et beaucoup sont des médicaments. La population peut s’y exposer de manière accidentelle ou volontaire. En pratique, dans la majorité des situations en réanimation, nous avons affaire d’abord à des intoxications médicamenteuses volontaires, et ensuite des personnes qui consomment des drogues dites récréatives.
Quelles sont les différentes catégories de drogues ?
Il y a trois grands types de drogues. La première catégorie comporte les drogues qui dépriment le système nerveux central (l’héroïne, les opioïdes). Les personnes qui consomment ce type de produits cherchent une désinhibition mais s’exposent à un risque de dépendance physique et de dépression respiratoire en cas d’overdose.
La deuxième catégorie comporte des produits stimulants du système nerveux central (cocaïne, amphétamines). Ici, la personne cherche à se surpasser. Le risque est de développer une dépendance psychique et d’être épuisé au moment de la consommation.
La troisième catégorie est composée de produits hallucinogènes, consommés par ceux qui cherchent à modifier leur relation avec le monde environnant. Mais en cas de consommation répétée, elle
peut s’exposer à des troubles de la personnalité.La classe la plus dangereuse est celle des drogues de dépression du système nerveux central, elle concerne la plupart des cas admis en réanimation Après l’intervention, on essaie de rediriger les patients vers un service de toxicologie pour trouver des solutions à leurs addictions.
Que sont les NPS, stimulants les plus utilisés aujourd’hui ?
De nouvelles drogues se développent depuis une dizaine d’années, elles sont nommées les nouvelles substances psychoactives (NPS). On estime qu’environ 600 de ces drogues sont déjà apparues. Ce sont pour la plupart des dérivées de la synthèse en laboratoire, elles ne sont pas répertoriées par les lois de l’ONU de 1970. Elles imitent les drogues traditionnelles sans être illégales et se sont diffusées sur le darknet.Il y a deux grandes familles importantes dans ces NPS. Les premières sont des katinodes de synthèse (dérivés de synthèse de la katinone, la cellule psychoactive du kat, très consommée en péninsule arabique). Ce sont des analogues aux amphétamines, à ceci près que le consommateur de katinodes peut sélectionner son produit dans une grande gamme selon les effets recherchés. Les cannabinoïdes de synthèse, eux, agissent sur les mêmes récepteurs que le cannabis.
Ce qui a fait le succès des NPS, c’est leur rendement. Le producteur fabrique beaucoup plus de drogue pour la même quantité de matière première : les prix baissent donc , et la consommation de ces drogues en devient plus attractive. Les drogues qui réussiront à se diffuser sont celles qui seront les moins dangereuses mais aussi les plus addictives et les plus abordables.
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils faire face à l’émergence permanente de nouvelles drogues ?
L’interdiction des substances dangereuses. C’est un sujet difficile à aborder, il faut éviter que les gens ne se détournent vers des drogues plus dangereuses encore. Il existe en France une commission l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) qui décide de classer ou non une substance en tant que drogue à risque. Pour ces nouvelles drogues, elles ont été classées de façon générique. C’est-à-dire que toutes les substances de la famille des katinodes et des cannabinoïdes sont déjà interdites et classées comme drogues au moment où elles sortent sur le marché. Il faut aussi miser sur la prévention tout en évitant de culpabiliser ceux qui ont déjà consommé des drogues. Cependant le but premier de la prévention est de mettre en garde les personnes susceptibles de consommer des drogues vis à vis des risques auxquelles elles s’exposent.
Propos recueillis par Alice TIZON et Maxime ANGELY