Tribune : Un sport, deux mesures

Distinctions entre le football féminin et masculin

Le mondial 2019 s’achève avec la victoire des américaines, mais le débat sur le football féminin continue. Débrief sur les différences sportives, financières et médiatiques entre les femmes et les hommes dans le sport du ballon rond.

 

Des règles identiques 

Les règles du football féminin sont identiques à celle du football masculin, tout comme le temps de jeu (deux périodes de quarante-cinq minutes, voire davantage en cas de prolongations). Bien que cela paraisse évident, il existe pourtant des sports où la durée de jeu diffère selon les sexes. Pensons par exemple au tennis qui se joue le plus souvent en cinq sets pour les hommes, tandis que pour les femmes en seulement trois sets.

Le football féminin ne se veut pas sexiste. Au contraire, il considère que ce sont aux joueuses de s’adapter à l’effort, notamment en terme d’endurance, plutôt que d’abaisser l’exigence du règlement. D’ailleurs, nous avons pu le constater lors de cette coupe du monde en France : les sélections féminines ont été effectivement en mesure de tenir le rythme — et ce même pendant les prolongations. Par exemple, Lindsey Horan avait parcouru, avant la finale, près de 46 kilomètres pour 357 minutes de jeu. À titre de comparaison, Blaise Matuidi, lors de la coupe du monde de 2018, a parcouru seulement 38 kilomètres pour 337 minutes joués.

 

D’importantes inégalités persistent

En revanche, il existe une différence au niveau de l’arbitre, et non de l’arbitrage en lui-même. La tendance actuelle est que les joueuses sont très majoritairement arbitrées par des femmes, et les joueurs par des hommes. Il existe cependant de rares exceptions, comme l’allemande Riem Hussein, qui arbitre dans la 3ème Bundesliga (division allemande).

Pourtant, ce métier est strictement le même puisque les règles sont identiques. Dès lors, pourquoi cette absence de mixité persiste-t-elle ? En effet, dans une entreprise, il serait évidemment absurde de considérer qu’une manageuse ne peut diriger qu’une équipe essentiellement composée de femmes.

De plus, il est regrettable de constater la quasi-absence de femmes entraînant des équipes de football masculin. Corinne Diacre, l’actuelle entraîneuse des bleues, fut la pionnière en devenant la première au monde à entraîner un club de football masculin, celui de Clermont.

D’autres différences persistent, dont une qui vient plus naturellement à l’esprit, celle de l’inégalité salariale. Il faut savoir que le salaire de l’intégralité des joueuses des sept plus grands championnats nationaux, est équivalent à celui de Neymar da Silva Santos Júnior (plus connu sous la simple appellation de Neymar). Cette disparité de salaire n’est pas seulement inégale, mais d’autant plus injuste car il y a beaucoup de footballeuses qui vivent dans la précarité. Il ne faut pas non plus oublier qu’une carrière de sportif est courte, et que le plus souvent les femmes sont obligées ensuite de se reconvertir. Or, la reconversion pose parfois la question de la reprise des études, et donc du financement de celles-ci. Il serait regrettable qu’une jeune femme talentueuse abandonne son ambition de faire du football pour des raisons purement financières.

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À cette différence de salaire, beaucoup répondrons qu’elle provient de la différence de notoriété. Certes, le football n’est pas une profession rémunérée à l’heure mais effectivement à la popularité, car l’argent provient majoritairement des sponsors. En ce sens, certains clubs pourraient faire davantage d’efforts pour mieux rémunérer les femmes, en déduisant un peu sur le salaire des joueurs. Cela permettrait aux joueuses professionnelles de se concentrer, dès le début de leur carrière, pleinement à leur activité sportive, sans avoir à exercer un métier en parallèle, ou encore à se soucier de leur reconversion professionnelle.

 

Le bénéfice de la notoriété naissante pour le football féminin

En parlant de notoriété il est évident que, grâce à l’évènement majeur que représente la coupe du monde féminine de 2019, l’audience est en forte hausse (11,9 millions de téléspectateurs pour France-Brésil, alors qu’en 2015 il y avait eu seulement 2,2 millions de téléspectateurs pour France-Mexique). En outre, ces chiffres sont forts réjouissants car cette médiatisation permet de mettre fin à certains préjugés, comme celui selon lequel le football féminin serait moins technique. A vous d’en juger !

Vidéo YouTube : Gestes_techniques_France_Danemark

Il faut saluer le courage, certes tardif, de mettre le football féminin sur une grande chaîne française (TF1), car il est indéniable que faire découvrir quelque chose d’inhabituel au public est un pari risqué. D’habitude, mieux vaut rester dans la norme si on ne veut pas que le public zappe le programme. On s’aperçoit que le football féminin fait, contrairement à ce qui était redouté, de bonnes audiences. Cela induit deux aspects positifs : d’une part cela permet d’augmenter la notoriété des footballeuses (et donc leur rémunération). D’autre part, cela donne l’envie et l’audace aux jeunes filles de s’inscrire dans un club de football.

 

Pour aller plus loin dans la parité

Cette bonne audience doit être cependant nuancée car ce sont les équipes féminines nationales qui ont désormais une audience, et non celles des clubs féminins qui, on le craint, restera très faible. Du côté des hommes, des clubs tels que le Barça, le PSG ou le Réal Madrid, ont une notoriété similaire (voire supérieure) à celle des grandes nations. Comme alternative, il serait peut-être avantageux de programmer un match de football féminin juste avant qu’une rencontre masculine éponyme ait lieu sur le même stade. Ainsi, celui ou celle qui a acheté sa place pour le match masculin aurait la possibilité de venir en avance pour voir en plus le match féminin. Par la suite, une partie des revenus de la vente des billets pourrait donc être reversée au club féminin. Ce type d’arrangement présente de nombreux avantages : moins de queue à l’entrée dans le stade, plus de supporteurs pour les clubs féminins (et donc davantage de notoriété et d’argent), une diffusion en direct à la télévision des deux matches à la suite possible, puisqu’ils ne se chevauchent pas (avec en prime des bonnes caméras et un bon terrain).

D’autre part, pour aller plus loin dans la parité, on peut se demander s’il est possible d’envisager la création d’équipes mixtes. En effet, si on reprend l’exemple du tennis, il existe bien un double mixte. Organiser, au moins de temps en temps, des matches avec des équipes mixtes représentant l’élite du football mondial pourrait s’avérer être très intéressant.

 

Laissons les jeunes filles rêver de football  

Finalement, malgré l’amélioration de l’image, quoique tardive, du football féminin, de grandes inégalités restent à surmonter, à commencer par la différence de salaire et de notoriété. À titre d’exemple, la finale de la coupe du monde s’est déroulée le même jour que deux finales de football masculin (finale de la gold cup et finale de la copa america). Ce constat montre, au mieux de l’incompétence, au pire du mépris vis-à-vis des joueuses… Afin d’y remédier, il y a une solution simple. Celle-ci consiste à supporter le football féminin, déjà parce qu’il est plaisant et aussi parce qu’améliorer sa notoriété c’est également améliorer les conditions de vie des joueuses et donner l’opportunité aux filles de choisir de faire du football si elles en ont envie — ou n’importe quel autre sport historiquement masculin — sans avoir à s’en justifier, auprès de leurs amis ou de leurs proches, car cet effort de justification conduit bien souvent au renoncement.

 

Anthony CESTIER

 

Crédit photo : The Cut.com

Sources :

https://fr.fifa.com/womensworldcup/players/player/357577/statistics

http://www.sportune.fr/business/salaire-de-neymar-psg-vs-division-1-feminine-173589)

 

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