#MeToo, #Balancetonporc, #YoTambién, #???_???, #???, #Nãoénão, etc.
La révolution féministe se passe sur les réseaux sociaux. C’est ce qu’on a d’abord pensé en voyant se multiplier sur nos écrans les hashtag #balancetonporc et #MeToo qui dénonçaient le viol, les agressions sexuelles et le harcèlement, d’abord dans le monde du travail, notamment du cinéma avec l’affaire Harvey Weinstein, puis au quotidien, dans la rue, à la fac. #MeToo représente en 2017 la libération de la parole féministe, tant dans la sphère publique, avec une augmentation des témoignages et des accusations par et des personnalités publiques, que dans la sphère privée. Le mouvement a bénéficié d’une exposition médiatique importante, pour le meilleur et pour le pire, ce qui aura tout de même permis une extension du mouvement au delà des frontières. MeToo est international, et c’est là sa première force.
Qu’en est-il des retombées ? D’abord, il y a depuis deux ans une prise de conscience de l’atmosphère sexiste et misogyne généralisée, et certainement un sentiment de culpabilité vis à vis d’un long silence à ce sujet. Cet « éveil » soudain a entraîné la formation de groupes de paroles, d’associations, et la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée aux cas de harcèlement sexuel à Montréal.
Peu après la première utilisation du hashtag français en octobre 2017, le nombre de plaintes à Paris a augmenté de 20 à 30%… avant de revenir quatre mois plus tard au niveau précédant le hashtag. Ce phénomène provisoire souligne le fait que si les femmes dénoncent sur Twitter, c’est aussi parce qu’il est difficile de dénoncer autrement. Si les victimes pouvaient porter plainte au commissariat auprès de policiers compétents et formés, sans que cela soit stigmatisant ou traumatisant, elles n’auraient sans doute pas choisi Twitter en tant que palais de justice de substitution. Or, cette formation au dialogue avec les victimes d’agressions et de harcèlements sexuels n’a toujours pas vu le jour en France en 2019. Du moins, pas à grande échelle. L’écoute, la considération et le respect ne sont pas encore acquis partout, et par tous.
Tant que la justice ne sera pas rendue dans les palais de justice, elle tentera de l’être sur les réseaux sociaux, au prix d’accusations dangereuses menant à des attaques pour diffamation et des récupérations médiatiques sans intérêt.
Le 25 septembre 2019, Sandra Muller, l’initiatrice du hashtag #balancetonporc a été condamnée pour diffamation, à 15 000 euros de dommages et intérêts suite à son tweet accusateur. La journaliste, mentionnée par le Time Magazine comme l’une des personnalités de 2017, a, selon le tribunal, « manqué de prudence en employant des termes virulents tels que porc (…) et dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression ». L’utilisation du mot porc a souvent été critiqué. Spéciste, elle contribue à considérer l’agresseur comme un monstre et à l’aliéner, des conséquences dommageables qui ont été soulignées par Adèle Haenel lors d’une interview le mois dernier. Les paroles de l’actrice faisant suite aux accusations à l’encontre du réalisateur Christophe Ruggia sont révélatrices de la nécessité d’un changement de mentalité général : « Je n’ai rien à gagner. Je crois en l’humanité. Et c’est pour ça que je parle. Je parle par humanisme ». La colère et la vengeance laissent place dans le débat public aux solutions pouvant être apportées à l’échelle de la société. Accuser et porter plainte, c’est aujourd’hui croire au changement. Twitter a joué un rôle cathartique pour la parole, mais le changement se fait dorénavant par le dialogue et non par les accusations personnelles, même si l’on ne peut pas toujours compter sur les décisions d’un tribunal pour rendre la justice.
Lucie BATTIN
Je trouve que le livre de Vanessa Springora fait avancer considérablement la voix des femmes. D’ailleurs dans son sillage, Sarah Abitbol a choisi de relancer ses accusations qui n’avaient pas été suivies il y a a quelques années.
Il y a une prise de conscience sociétale historique en ce moment.