Le principe de non-appropriation de l’espace menacé par son industrialisation ?

Pourquoi vous ne pouvez pas acheter un astéroïde ?

Début avril, les États-Unis se sont de nouveau affirmés comme leader dans l’entreprise de conquête spatiale et plus précisément, dans d’exploitation des corps célestes. En effet, le 6 avril 2020, Donald Trump a signé un décret visant à « encourager le soutien international pour la récupération et l’utilisation des ressources spatiales », reconnaissant le droit des entités privées à revendiquer des ressources dans l’espace. Cette décision unilatérale met fin au statut ambigu du droit à l’appropriation privée des ressources issues de corps célestes. 

 

Le principe régissant les ressources spatiales est le principe de non-appropriation. Il a été formulé dans le traité fondateur du droit spatial, le Traité sur l’espace extra-atmosphérique, adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1967, dans le contexte de la Guerre Froide. Néanmoins, cet accord traite uniquement de la propriété nationale et ne précise pas si l’interdiction d’appropriation s’applique également à des entités privées. 

Face à l’absence de consensus juridique sur la question, les États-Unis affirment par la présente qu’ils ne considèrent pas l’espace extra-atmosphérique comme un bien commun à l’humanité et encouragent l’utilisation commerciale de leurs ressources par les Américains. En conséquence, nous observons une redéfinition du principe de non-appropriation de l’espace extra-atmosphérique au nom d’intérêts économiques ; une étape cohérente avec la montée des entités privées dans le secteur spatial. Le principe de non-appropriation semble ainsi être remis en cause au nom du progrès, en tant qu’il considère l’espace extra-atmosphérique comme un territoire d’opportunités commerciales. Le traité sur l’espace extra-atmosphérique est condamné par de nombreuses entreprises du secteur spatial, pour avoir découragé l’exploration spatiale et le développement d’activités commerciales dans l’espace. Par conséquent, cette atteinte au principe de non-appropriation se produit avec la justification suivante : comme tout autre territoire, l’espace, en tant que zone pleine d’opportunités, devrait être accessible à l’exploitation commerciale. 

Toutefois, le principe de non-appropriation de l’espace semble protéger l’espace extra-atmosphérique au nom du statut spécifique que ce territoire a dans l’imaginaire commun : de nos jours, l’espace est considéré comme un lieu sanctifié, destiné à la science et faisant partie de l’héritage commun de l’humanité.

Ces interrogations juridiques sur le statut de l’espace posent en réalité la question de l’extension des frontières de l’influence humaine. L’espace extra-atmosphérique ne devrait pas, pour certains, être considéré comme une frontière supplémentaire, un espace à coloniser, dans la continuité de l’histoire de la colonisation humaine. Il semble que, sans essentialiser et sacraliser l’espace, nous pouvons explorer des corps lointains avec des objectifs conformes aux principes de l’exploration spatiale — c’est-à-dire le bénéfice de l’humanité entière — et avec l’objectif de faire de l’espace un territoire scientifique, mais destiné à une science respectueuse de tous les êtres, qu’ils soient vivants ou inertes.

 

Enfin, les intérêts économiques dans l’espace extra-atmosphérique sont aujourd’hui prédominants et les traités et principes régissant l’utilisation de cet espace devraient s’adapter à ce changement d’intérêt, qui passe du purement scientifique au commercial. Le défi pour le droit de l’espace est l’adaptation des principes qui régissent l’exploration spatiale, qui traduisent notre vision de l’espace et de l’humanité, à une utilisation commerciale. Ce changement semble devoir s’imposer afin d’éviter le principe du « premier arrivé, premier servi » en termes de compétence juridique actuellement en vigueur, dominé par les États-Unis, qui empêche une véritable coopération internationale. 

Sophie-Marushka MINICONI

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