Inge en guerre de Svenja O’Donnell, Flammarion

Königsberg, 1939, la Seconde Guerre mondiale est déclarée. C’est à peine si Inge le remarque.

Kaliningrad, années 2000, Inge a survécu à la guerre. Son silence est finalement rompu pour Svenja, sa petite fille.

Inge est née en 1922 à Königsberg, en Prusse-Orientale, territoire alors allemand. Fille unique, protégée par ses parents dans un village où le temps semble s’être arrêté et l’actualité paraît lointaine, elle grandit en même temps que s’étend le parti nazi. À l’âge de 15 ans, après un été passé avec une amie à profiter de sa jeunesse,  Inge a envie d’aventures et c’est à Berlin qu’elle veut se rendre, pour étudier et surtout pour vivre, enfin. Alors que la guerre a commencé, Inge y apprend donc la vie de jeune fille et l’amour, sur un air de swing, de légère rébellion et même d’insouciance. En quelques mois seulement, enceinte et le coeur brisé, prenant de plus en plus conscience des réalités de la guerre, le destin de la jeune femme va se retrouver bouleversé…

C’est cette histoire, passée sous silence pendant des années, que Inge raconte finalement à sa petite fille.

Toutefois, les souvenirs altérés par le temps ne suffisent pas à Svenja qui, en véritable journaliste, cherche où elle le peut des compléments à l’histoire de sa grand-mère. Entre archives et témoignages, c’est un ouvrage précis et complet qui s’offre à nous ; c’est le portrait d’une population et d’une époque qui se dégage de celui, singulier, d’Inge.

Rapidement, une interrogation apparaît à la lecture de cet ouvrage : que faisaient ceux qui n’étaient « ni bons ni mauvais » pendant la guerre, ceux « au milieu » ? En étudiant le silence de sa grand-mère, c’est celui d’une nation que révèle Svenja. Par manque d’héroïsme, de courage ou par peur des représailles inéluctables, nombreuses pourraient être les raisons de cette inaction d’une grande partie de la population allemande, selon l’auteure. Aucun jugement n’est toutefois présenté, et c’est avec du recul et de la sagesse que Svenja O’Donnell présente la situation, affirmant que personne ne peut être certain de sa propre réaction. D’autres réalités s’ouvrent alors aux yeux du lecteur, l’interrogeant sur les notions de responsabilité individuelle et collective, le poussant à comprendre avant de juger.

Entre anciennes photographies et style fluide, Svenja O’Donnell réussit à merveille le pari de transcrire le passé de sa grand-mère tout en passionnant le lecteur.

« J’ai tant de choses à te raconter », affirme Inge à Svenja. Et vous, chères lectrices, chers lecteurs, vous avez tant de choses à découvrir dans cet ouvrage.

Colleen GUERINET

Couverture : Inge en guerre, Svenja O’Donnell – crédits photo : éditions Flammarion

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