Née à Cayenne, fondatrice du parti guyanais Walwari, Christiane Taubira a été élue députée de Guyane mais aussi nommée Garde des Sceaux sous François Hollande. Elle porte quelques grands sujets comme la reconnaissance de la traite négrière ou le mariage pour tous. Au cours de la rentrée littéraire, elle sort son premier roman chez Plon, Gran Balan, perçu comme le roman de la Guyane par excellence.
“Comme si ce peuple n’avait plus rien à raconter” déclare Christiane Taubira à propos de la Guyane. C’est dans ce roman polyphonique qu’une génération guyanaise s’exprime. C’est en faisant la connaissance de huit personnes et avec l’histoire du procès de Kerma comme fil conducteur que ce roman nous offre une fresque guyanaise. Fascinante et effrayante, comme un cri d’amour lyrique et mélancolique sur cette région française, c’est une terre que Christiane Taubira aime tant puisqu’elle y a grandi.
Dans ce roman profondément enraciné dans le territoire guyannais, au parfum, à la chaleur et la couleur de la Guyane, nous rencontrons des situations, des femmes et des hommes qui ont pour héritage le colonialisme. Christiane Taubira voulait à travers ce roman, tout voir et tout entendre de la Guyane. Cela passe aussi par la langue puisque ces différents langages qui parcourent son livre sont attribués à chaque personnage sans pour autant en être des caricatures. Nous nous sentons plongés au cœur d’une langue que nous ne connaissons pas : le créole. Pourtant tout est intelligible, l’auteure a su adapter ce langage. Un effet de proximité encore plus grand se crée alors avec les personnages.
Nous sommes transportés dans un voyage qui s’étend du Brésil au Surinam, au cœur des coutumes et des mœurs de la Guyane. À travers ce roman, Christiane Taubira a su embrasser tout le territoire de Cayenne, toutes les fractures sociales, toutes les luttes, tous les âges. Mais il est surtout question de justice dans ce livre. Une interrogation se pose effectivement sur la fonction de la justice française car c’est dans cette œuvre attribuée à la jeunesse que se pose une réflexion sur l’identité, sur une identité irréductible. Si, dans Gran Balan, nous pouvons voir une jeunesse idéaliste qui vit ses engagements et qui choisit de s’affranchir des pesanteurs historiques, nous décelons également une jeunesse, dont on obstrue l’horizon en indifférence, impunément et qui a du mal à trouver sa place. À travers ces personnages, qui sont tous vrais ou vraisemblables, nous sommes confrontés à une remise en question sociale. Les vestiges de la colonisation sont ici et là, à travers le quotidien de ces huit personnages. C’est aussi l’angoisse des mères face à leurs enfants, notamment leurs garçons qui, comme Kerma, sont confrontés à la société que nous retrouvons dans cette œuvre.
Gran Balan est alors une œuvre qui, tout en soulevant des questions extrêmement actuelles à partir du passé, rapproche les êtres et les époques et nous encourage à comprendre la douleur guyana.
Claire TUDORET