Review culturel français 2020 : Petit Vampire, un long métrage complexe

Le 21 octobre 2020, juste avant le deuxième confinement, le très prolifique Joann Sfar a pu projeter son long métrage Petit Vampire dans les salles obscures. D’abord une bande dessinée, puis quelques nouvelles et un roman pour finir sur une adaptation en cinquante-deux épisodes de dessin animé, Petit Vampire n’a cessé d’évoluer depuis sa création en 1999. Cette adaptation au cinéma se doit d’être remarquée par le grand public. 

Il s’agit d’un film français où Joann Sfar retrouve ses comparses : Sadrina Jardiel au scénario et Antoine Delesvaux à la direction artistique. Fine équipe qui avait remporté le prix Spécial de la Fondation Gan pour le cinéma en 2008, le Cristal du long métrage au Festival d’Annecy en 2011 ainsi que le César du meilleur film d’animation en 2012 avec Le chat du Rabbin. La Fondation Gan décide de poursuivre à nouveau cette folle aventure en 2017 en octroyant une aide pour la diffusion pour Petit Vampire. Derrière ce long métrage d’animation au style bien particulier qu’est celui du dessinateur, on retrouve donc une équipe française et un merveilleux casting. La bande originale, composée par Olivier Daviaud, rappelle celle du dessin animé et apporte à ce film une touche de nostalgie et de puissance. Jean-Paul Rouve (qui incarne le capitaine), Camille Cottin (la très douce Mme Pandora) et Alex Lutz (le Gibbous, le grand méchant), prêtent leurs voix pour donner vie aux personnages hauts en couleurs et en bizarrerie de Joann Sfar. 

L’histoire est simple, Petit Vampire a 10 ans depuis bientôt 300 ans et il s’ennuie terriblement. Vivre dans une maison hantée, accompagné de ses amis aussi étranges qu’attachants, cela ne lui suffit plus : il veut sortir. Une nuit, c’en est décidé, il quitte l’enceinte du manoir pour trouver un copain de son âge… enfin presque… Il rencontre alors le jeune Michel, petit cancre au grand cœur et se lie d’amitié avec lui. Mais ce que Petit Vampire ignore, c’est que le monde extérieur lui est interdit pour une bonne raison. Le vieil ennemi de sa famille, le Gibbous, n’ayant cessé de les chercher depuis 300 ans, le repère. S’en suit une folle épopée où conflits serieux et humour s’entremêlent. 

Certes, Petit Vampire est un long métrage pour un public de jeunes enfants (à partir de 6 ans), mais il peut se lire avec un œil bien plus adulte qu’on ne le croit. Ode à l’amitié, à l’innocence et à la tolérance, grâce aux personnages de Petit Vampire et Michel, les thématiques portées par le film vont plus loin encore. 

L’amour maternel, l’importance de l’innocence de l’enfance qu’il faut protéger mais aussi les désirs et choix d’une femme adulte sont incarnés par Mme Pandora. Entre douceur et mordant, ce personnage mettra tout en œuvre pour protéger son fils et garder son indépendance. La rivalité amoureuse, courage ou lâcheté, code d’honneur, sont représentés par un Capitaine, pirate devenu couard par lassitude et manque d’aventure. La dure thématique de la peur de la mort va de pair avec ce Capitaine dont l’immortalité semble avoir une limite. Le Gibbous quant à lui se présente comme un personnage torturé, capricieux et solitaire, méchant mais désespéré. 

La dichotomie du Bien et du Mal est brillamment mise en scène par Joann Sfar, mais vous verrez, c’est plus compliqué que cela. Les personnages sont face à leur solitude et à leur lassitude dans un monde où tous les jours se ressemblent. Petit Vampire et Michel tentent de préserver leur amitié nouvelle avec loyauté tout en protégeant leurs familles. Les enfants semblent plus volontaires que les adultes, perdus dans leurs combats personnels : Mme Pandora, mère protectrice dépassée par l’envie d’ailleurs de son fils, le Capitaine seul face à lui-même et le Gibbous, seul dans sa quête de vengeance interminable. Grâce à des adjuvants drôles, maladroits et impulsifs (Fantomate, Marguerite, Claude et Ophtalmo) ces thèmes sérieux deviennent plus légers. 

C’est en toute bienveillance que Joann Sfar donne vie à ses personnages, qu’ils soient “gentils” ou “méchants”, à travers un style graphique original, qui peut en déranger certains. Vous retrouverez donc chez les personnages un bulldog rose volant, un alligator impressionnant, un monstre aux allures de Frankenstein et à la voix stridente,  un scientifique aux trois yeux globuleux, un grand méchant à tête de croissant de Lune et bien d’autres personnages farfelus… Le bestiaire de Joann Sfar ne pourra que vous en mettre plein la vue. 

Si vous n’avez pas encore vu ce magnifique long métrage, n’hésitez plus. Pour ceux qui connaissent déjà l’univers de Joann Sfar, vous prendrez un bol de nostalgie, pour les autres, ce sera une merveilleuse découverte. C’est une occasion de respirer et de vous reconnecter avec l’insouciance de l’enfance à travers des dessins originaux pendant 81 minutes. Si l’envie vous vient, nous vous invitons également à pousser plus loin dans les productions de Joann Sfar où vous trouverez sûrement de quoi vous divertir. 

Clémence VERFAILLIE-LEROUX

Couverture : © Petit Vampire – Joann Sfar – 2020

Sources

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