Les secrets cachés du massage prostatique

Encore tabou et socialement stigmatisé pour les hommes hétérosexuels, le massage prostatique est pourtant un intense voyage au centre de son corps. Aujourd’hui, Alma Mater met à l’honneur cette découverte de l’intime et du plaisir charnel qui ne requiert aucune fusée sophistiquée pour atteindre le septième ciel.

Sur les sentiers du plaisir

La prostate se voit de plus en plus souvent décerner la médaille du point G masculin. De la taille d’une mirabelle, elle abrite en son sein de minuscules glandes, nommées acini, responsables de la sécrétion du fluide prostatique. Ce dernier se charge d’apporter du volume aux spermatozoïdes ainsi que des enzymes leur facilitant le passage au travers du col utérin.

Outre son aspect fonctionnel destiné à la seule reproduction, s’engager sur les sentiers mal balisés afin d’atteindre la prostate peut rapidement se transformer en une incroyable expérience sensorielle.

Depuis les portes de l’anus, l’argonaute prostatique partira à la rencontre de la petite noix cachée dans son for intérieur. En route, il tombera nez à nez avec des ramifications nerveuses connectées au cerveau et à ses parties génitales. A ce moment précis, l’aventure prend un tout nouveau tournant : la prostate demeure encore hors de portée alors que les sensations apparaissent par volées.

Si la stimulation pénienne – gland et autres joyeuses verges – reste dans les esprits la chasse gardée du plaisir masculin hétérosexuel, force est de constater qu’elle subit l’implacable rivalité de son homologue glandulaire. Cette dernière offre un plaisir différent, plus profond, diffus et surtout plus long. Trop de câlineries sur les routes de la prostate et voici le corps masculin balayé de puissantes et inconnues sensations, notamment chez les novices en la matière.

Atteignez un certain niveau d’excitation et le massage prostatique déclenchera sans tarder une abondante éjaculation. Cependant l’éjaculation ne se joint pas toujours à la partie. En effet, orgasme et éjaculation sont deux notions distinctes ; alors que cette dernière intervient lorsque le système nerveux détecte un niveau d’excitation critique —   ce qui déclenche un réflexe – le premier trouve sa source directement dans le cortex cérébral.

Une implication directe de cette distinction élémentaire : si fait dans les règles de l’art, le massage prostatique maintient la massé dans une bulle préorgasmique comparable aux chaleurs et décharges ressenties juste avant l’éjaculation.

Les voies pénétrables menant à la prostate sont donc des zones érogènes au potentiel exceptionnel. Pour atteindre l’orgasme, voire plusieurs orgasmes, elles se suffisent à elles-mêmes.

Une pratique mal acceptée.

Le plaisir anal chez les hommes hétérosexuels ne constitue pas une innovation disruptive de notre siècle. Pourtant, il fait toujours l’objet d’une forte stigmatisation sociale car souvent assimilée à des pratiques homosexuelles.

Dans ses travaux, le sociologue Eric Anderson a défini le concept d’homo-hystérie.  Cette notion se réfère à la crainte pour des hommes hétérosexuels d’être perçus comme homosexuels s’ils venaient à pratiquer un sexe considéré comme tabou. Cette idée va souvent de pair avec celle de l’homosexualisation — théorisée par Eric Anderson à nouveau — qui décrit la croyance culturelle qu’un homme recevant une stimulation anale doit être nécessairement gay.

Cette stigmatisation a également existé, et existe peut-être encore, pour la masturbation pénienne, laquelle était assimilée de manière négative, pendant le XIX° siècle et sur une partie du XX°, à un passe-temps pour homosexuels. Si les grandes religions monothéistes ont forgé et entretenu le tabou du plaisir anal pendant plusieurs siècles, c’était avant tout pour préserver la cohérence d’une vision de société. Ce projet attribuait respectivement aux hommes et aux femmes des rôles précis et segmentés ; parmi eux, les pratiques sexuelles ne devaient servir d’autres desseins que ceux de la procréation. 

Au-delà de considérations existentielles et des tiraillements moraux, le plaisir anal chez les hommes hétérosexuels représente une véritable exploration de son corps, ainsi qu’une nouvelle source de fantaisie sexuelle. En couple, cet échange nouveau nécessite une bonne dose de confiance et d’assurance envers sa partenaire pour l’autoriser à entrer en soi.

L’image de l’homme qui domine et pénètre ne participe pas à elle seule à la construction de la définition de virilité.

Explorer de nouveaux plaisirs comme le massage prostatique ne peut que participer à une meilleure connaissance du corps de l’homme et d’affiner encore davantage son identité.

Adrien ALBERTINI

Couverture : Illustration de ©Ariane Tassin

Sources :

  • The Ultimate Guide to Prostate Pleasure : Erotic Exploration for Men and Their Partners, 2013, Charlie Glickman, Aislinn Emirzian, Cleis Press.
  • Relaxing the straight male anus: Decreasing homohysteria around anal eroticism, 2017, Jonathan Branfman, Susan Stiritz, Eric Anderson.

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