Le mythe de l’écrivain romantique 

Au moment de son essor au début du XIXe siècle, le mouvement littéraire romantique se caractérise par un épanouissement du lyrisme personnel. Selon la définition de Jean-Michel Maulpoix dans son ouvrage Du lyrisme, il s’agit, entre autres, de « l’expression personnelle des sentiments du poète » qui « parle en son nom et dit je ». Cette implication personnelle interroge, elle semble couvrir le poète et l’écrivain d’une aura particulière. Quelle place occupent-ils donc dans la société de leur époque ?

« Peuples ! écoutez le poète ! / Écoutez le rêveur sacré », ces vers du recueil Les Rayons et les Ombres écrit par Victor Hugo en 1839, témoignent du rôle prophétique du poète voyant, à la fois propre à l’auteur mais aussi à toute une génération de poètes romantiques après 1830. Hugo revendique une posture d’écrivain et de poète politiquement engagé en temps de crise. Il ne se mêle pas à la foule pour autant, car le propre de l’écrivain romantique réside dans sa capacité à se hisser en prophète au-dessus des hommes. 

Dans la continuité du romantisme, le dandysme de Baudelaire place le poète au-dessus du reste des hommes comme le soulignent les derniers vers de son célèbre poème « L’Albatros » publié dans son recueil Les Fleurs du Mal en 1857 : « Le Poëte est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; / Exilé sur le sol au milieu des huées, / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »

Le XXe siècle renoue avec la question de l’engagement politique de l’écrivain et de son appartenance à une classe sociale. Dans son essai Qu’est-ce que la littérature ?, Jean-Paul Sartre écrit : « Vingt ans après le symbolisme, [l’écrivain] n’a pas perdu la conscience de la gratuité absolue de l’art ; mais il est engagé dans le même temps dans le cycle utilitaire des moyens-fins et des fins-moyens ». L’écrivain ne peut ainsi plus s’élever au-dessus des masses sans réfléchir à son statut social. 

Les études sociologiques en littérature, notamment celle de Lucien Goldmann dans son ouvrage Pour une sociologie du roman en 1964, montrent que l’écrivain, d’après une analyse structuraliste, s’inscrit dans une conscience collective et que les chefs-d’œuvre sont des éléments constitutifs de ce même groupe et d’une « vision du monde » commune. L’écrivain semble donc descendu de son piédestal romantique. 

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