C’est au bout de la Grande Galerie du Louvre que l’on retrouve — non pas les Salvator Rosa ou autres maîtres italiens du XVIIIème, mais plutôt leur grand maître, celui dont on a tout oublié, à qui on attribuait faussement un Botticelli et tant d’autres comme étant de sa main : Cenni di Pepo, dit Cimabue (prononcez « tchi », « ma », « boué »). Le peintre du XIIIème siècle est mis à l’honneur au Louvre pour la première fois en France au travers d’une courte et riche rétrospective…
On ne connaît pas grand-chose de la vie de Cimabue. Né à Florence vers 1240 et mort à Pise vers 1302, il a été l’une des influences du très renommé Giotto et de son confrère Duccio, mais peu d’écrits existent. Le surnom Cimabue viendrait de Cima de Buoi qui signifierait « homme fier » ou « méprisant ». Dante confirme son caractère, le plaçant au premier plan de son Purgatoire, au rang des orgueilleux. Il est l’un des premiers à se délaisser des portraits typiques des icônes byzantines et hiératiques, en traitant avant tout, le « naturalisme ». Cimabue cherche à représenter des figures expressives et vivantes. La profondeur se démarque par des aplats de couleurs ainsi qu’une notion limitée de la perspective (le traité à ce sujet de Leon Battista Alberti, premier théoricien de ce concept, sera publié en 1435), qui se retrouve également dans les drapés.
On ne peut que reconnaître le grand travail de celui qui, pour Vasari dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1550), représente la première figure de la Renaissance italienne. Le visiteur peut ainsi admirer le grand travail de restauration de La Maestà qui refait apparaître les traits de la Vierge et de l’Enfant qui, pour l’époque, commencent à montrer une expressivité. Les ombres apparaissent sur les corps, afin de donner un aspect de volume. L’Enfant Jésus tient une pose bien moins rigide que dans l’art byzantin. Les curieux pourront observer dans La Dérision du Christ (classé trésor national en 2019), la peinture non plus stricte, laisse transparaître les mouvements de la foule autour du Christ : les gestes de violence fusent à son égard. Rien ne nous montre ici des caractéristiques de l’art traditionnel de cette époque.
Autour de ces chefs-d’œuvre, le Louvre rassemble une panoplie de créations révélant l’influence de Cimabue sur ses contemporains. La Dérision du Christ représentant une acquisition historique pour le musée, elle viendra enrichir définitivement les collections nationales françaises, consolidant ainsi la représentation de la peinture italienne du Duecento au sein du Louvre.
Henri Humbert
« Dérision du Christ : détail du panneau » (peinture à tempera sur bois de peuplier, Musée du Louvre) par Ismoon, 31 janvier 2025. Image sous licence GNU Free Documentation License v1.2 ou ultérieure et Creative Commons Attribution – Partage Dans Les Mêmes Conditions 4.0 International.