Panem et circenses. Pour satisfaire l’irascible Rome antique, les empereurs avaient bien compris qu’un peuple docile était avant tout un peuple rassasié. La stratégie du “pain et des jeux” a réussi à maintenir pendant des siècles un des plus grands empires de l’Histoire.
La nourriture joue un rôle primordial dans l’Histoire de l’humanité, tant à l’apogée romaine qu’aujourd’hui, même si cette impression s’est estompée dans les pays développés. En Occident, c’est la surconsommation qui fait dorénavant loi et on peut constater ses décrets dans tous les supermarchés. Cette surproduction conduit inévitablement à un gaspillage des produits frais. D’après l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO), 40% de la nourriture produite est ainsi jetée à la poubelle chaque année, alors que 850 millions de personnes souffrent de la faim, soit une personne sur 9. Il n’y a certes pas de lien causal entre le gaspillage dans les pays développés et la sous-nutrition dans les pays pauvres, mais cette dure réalité aurait été plus supportable si le monde affichait un déficit alimentaire. Cependant ce n’est pas le cas… La planète produit l’équivalent de 2800 kilo calories par jour et par personne, bien assez pour nourrir les 7.6 milliards d’humains en 2018. Ce douloureux paradoxe a plusieurs causes.
D’après Amartya Sen, prix Nobel d’économie, la source du problème n’est ni la quantité de nourriture, ni le nombre de personnes. Il s’agirait plutôt du manque de solidarité internationale au niveau de l’échange de technologies agricoles, couplé à la guerre, au changement climatique, à la corruption et au manque d’institutions démocratiques.
Cependant, simplement envoyer de la nourriture dans des pays affamés n’est pas une vraie solution à long terme. Le plus souvent, il n’y a pas les infrastructures de stockages ou de distributions nécessaires pour recevoir de telles donations.
« La source du problème n’est ni la quantité de nourriture, ni le nombre de personnes »
Dans un futur proche, la famine mondiale risque aussi de devenir de plus en plus importante. D’après les chiffres de la FAO, la production mondiale devra nécessairement doubler d’ici 2050 pour nourrir 9.8 milliards de personnes. L’agriculture de demain devra aussi répondre aux appétits croissants d’une classe moyenne émergente en Asie, qui aspire au même confort qu’en Occident. À noter que la Chine investit massivement dans des terres cultivables en Afrique et en Amérique du Sud, pour compenser son futur déficit alimentaire, au détriment des populations locales.
A cela vient s’ajouter le dérèglement climatique planétaire qui provoque dès aujourd’hui des températures extrêmes, des précipitations irrégulières, des inondations, des ouragans et l’expansion des zones désertiques. Un nombre croissant de phénomènes qui provoquent une instabilité alimentaire et une fluctuation des prix. En Europe également… En 2018, un printemps et un été extrêmement chauds ont provoqué des récoltes minimales et la mise en place d’un plan d’aide pour les agriculteurs.
La pression sur la nourriture n’est jamais bénéfique pour l’humanité. Certains historiens s’accordent sur le fait que l’Empire romain s’est écroulé à cause d’une mini période glaciaire au Vème siècle, provoquant des récoltes catastrophiques et l’exode des peuples d’Europe de l’Est qui, pour fuir la faim, sont venus envahir Rome. Ne pouvant plus nourrir ses légions, ce fut la fin du grand Empire, la fin d’une ère. Connaissons-nous actuellement la chute de la notre ?
Alexandre FOLLIOT