Les Choses Humaines de Karine Tuil

Les Choses humaines, c’est un livre qui en est en fait deux. Une première partie, presque anodine, roman sur la vie bourgeoise d’une famille. Lui, journaliste TV très en vogue, arrogant, infidèle et control freak, Elle, sa future ex-femme, essayiste féministe ; et leur fils, vingtenaire et fêtard, brillant étudiant à Stanford. Le caneva est posé. On nous laisse à voir leur succès médiatique et social ainsi que l’envers de son décor, le choix saugrenu à faire entre l’épouse, une autre femme et la nouvelle stagiaire, une famille où personne ne semble avoir sa place et d’autres choses humaines plus communes encore. 

Et puis un jour, la vie presque tranquille de cette famille bascule. Alexandre, le fils, est accusé de viol. 

S’en suit une deuxième partie pleinement judiciaire, récit hypotypotique d’un procès teinté de l’affaire de Stanford et de l’ère #MeToo. Le lecteur est placé en juré et fait face à l’(effroyable) évidence : il n’existe peut-être pas qu’une seule vérité. 

Le procès révèle certains des pires aspects des personnages, et à travers eux, du lecteur lui-même, en proie à des réflexions et émotions discordantes de celles ressenties spontanément face à d’autres affaires semblables. Mais si un jour un membre de sa famille ou de son cercle d’ami se retrouvait sur le banc des accusés ? 

La grande force de ce livre, c’est de parvenir à nous faire douter. Envisager, sciemment, de nuancer le viol en une zone grise, alors qu’on ne tolérerait même pas l’expression en temps normal. Vouloir laisser le bénéfice du doute au violeur présumé, parce qu’on le connaît. Parce que c’est “un mec bien”

Dans son roman, Karine Tuil nous met face à la faiblesse de nos propres valeurs et croyances. Si facilement ébranlables, quand vient le moment de les mettre à l’épreuve, au-delà de nos mots. Et si tout cela n’était que de petites choses humaines ? 

 

Karine Tuil, Les Choses humaines (Gallimard) – Prix Interallié 2019 et Goncourt des Lycéens 2019 

Valentine L. DELETOILLE
@Valenttined

 

source couverture :

  • https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/la-saison-des-prix-litteraires-s-acheve-en-apotheose-pour-gallimard_2107240.html

2 commentaires

  1. C’ est vrai la force de ce roman est dans le doute. Je me souviens comme j’ai été déstabilisée, moi la féministe déclarée, de me surprendre à soutenir le jeune homme et à trouver à l’attitude de la jeune fille quelque chose de pas vrai…Même après quelques mois, sa lecture n’est présente comme obsédante. Un très grand moment de lecture ?

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