L’adolescent a-t-il toujours été rebelle ?

De Fluorescent Adolescent d’Arctic Monkeys à Mémoire de fille d’Annie Ernaux, le thème de l’adolescence fascine artistes comme amateurs, en témoigne l’abondance et le succès des coming of age movies – le genre de films dédié au passage à l’âge adulte. L’adolescence est une période charnière, durant laquelle le jeune en quête d’identité se rebelle : c’est la fameuse « crise d’adolescence ». Ou bien… est-ce ce que l’on veut nous faire croire ?

L’adolescence est avant tout une notion très récente. Le terme d’adulescens naît dès la Rome antique, mais jusqu’au XXe siècle, l’adolescence se résume au mieux à une classe d’âge. Dans les faits, on passait simplement de l’enfance à l’âge adulte, plus ou moins en même temps que la puberté et la majorité légale. C’est la généralisation et l’allongement des études qui créent l’entre-deux tangible durant lequel le jeune est partiellement indépendant, et acquiert peu à peu sa liberté.

Mais dès les prémices de la « classe » adolescente, celle-ci est réprimée : Rousseau critiquait déjà l’indiscipline des jeunes dans Émile. Au XIXe siècle, ils sont soumis à des règles très strictes ; on a en mémoire l’intransigeance de l’autorité parentale, scolaire ou religieuse que subissent les personnages adolescents dans la littérature de cette époque.

Quid de l’après-Mai 68 ? Car être adolescent, c’est partager avec une génération une sorte de contre-culture ; la première de grande ampleur ayant été l’arrivée du rock’n’roll dans les années 1950. Pour l’essayiste Thomas Franck, cette adolescence en quête de repères est en réalité une proie de choix pour les industriels de la fin du XXe siècle : les adolescents sont des consommateurs compulsifs. Ce fut « la conquête du cool » : « Just do it » de Nike, « Think different » d’Apple ; les rêves et révoltes des adolescents sont redirigés vers une consommation « branchée », censée s’opposer à la culture des adultes. Le capitalisme entretient ce que Benjamin Barber, politologue et écrivain américain, appelle une « infantilisation générale » : une société dans laquelle la culture médiatique et populaire est une véritable fabrique à « adultescents ».

La révolte adolescente est-elle un luxe fabriqué de toutes pièces ou a-t-elle été simplement pervertie ? En 2020, 125 millions d’adolescents se trouvaient dans des régions en proie à un conflit armé (selon l’Unicef). Pour eux, le passage à l’âge adulte est toujours aussi brutal. Greta Thunberg et Malala Yousafzai auraient-elles pu être des héroïnes idéales des coming of age movies dont nous avons été bercés ?

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